marți, 31 august 2010

Analyse Relationnelle des mécanismes du racisme

Tous racistes ?
Analyse Relationnelle des mécanismes du racisme

(2009)

http://ulrich-editions.com/racisme0.htm

En conclusion de la conclusion, je voudrais m’exprimer conformément aux propos tenus dans ce livre : de façon concrète. Je voudrais juste dire que la simple application de la méthode qui est la nôtre ouvre quelques voies pour diminuer les blessures dues au racisme :
1. En premier lieu, il faut bannir les stratégies d’antagonisme, qui consistent à « lutter contre » (le racisme, la guerre…) pour les remplacer par des démarches affirmatives et positives. J’explique : lutter contre le racisme c’est encore se référer au racisme, alors que créer de nouvelles relations entre les français c’est aller vers un ailleurs différent. 
2. La stratégie doit commencer par des changements au niveau des individus. Arrêtons la création de multiples commissions, la création de nouvelles associations, car tout ceci possède des effets pervers que l’on connaît bien. Une association qui lutte contre quelque chose, même si elle est bien intentionnée, a besoin, pour continuer à exister que le problème qu’elle traite perdure. 
Cependant, malgré le pessimisme ambiant de mon livre, j’observe de ci de là des initiatives positives pour bien traiter et calmer le jeu du racisme. Quand un éducateur crée une équipe de football mixte, quand un chef d’orchestre réunit par moitié des musiciens juifs et des musiciens palestiniens, quand on fait faire quelque chose de concret à une équipe mixte… on avance d’un grand pas vers un début de solution.
Il est clair que si le racisme est naturel, le chemin qui mène à sa disparition est au contraire éminemment culturel et volontariste. 
Ce qui est sûr est que le racisme ne se combat pas par des arguments rationnels et pseudo scientifiques, et encore moins par un arsenal répressif de plus en plus exagéré. C’est juste le contraire.


Une courte présentation de la méthode dite « Analyse Relationnelle »
La méthode appelée Analyse Relationnelle, dont le nom commercial est Relatio®, est utilisée dans les entreprises et aussi pour régler les conflits personnels depuis de longues années déjà.
Elle repose sur quelques axiomes et principes de base que nous nous devons d’exposer au seuil de ce livre pour que le lecteur puisse comprendre qu’il ne s’agit pas d’un livre d’opinion, mais d’une nouvelle grille de lecture des événements, d’une nouvelle façon de penser les faits, et de se comporter en société.
Et que tout le monde peut apprendre cette méthode.
Il s’agit à l’origine d’une méthode de développement personnel permettant à ses pratiquants de mieux maîtriser les relations avec autrui, et au passage de résoudre les éventuels problèmes relationnels qu’ils rencontrent. C’est donc une méthode orientée vers un objectif précis : une plus grande efficacité de nos comportements et de nos actions.
Or, pour changer nos comportements, il faut aussi changer notre façon d’organiser nos pensées.
Le premier axe qui est le nôtre est simple : les problèmes sociaux, aussi complexes soient-ils, sont avant tout constitués de problèmes relationnels entre les individus. Aucun sujet de société ne peut s’étudier sérieusement si l’on oublie qu’à la base il y a toujours des individus en relation, des individus en conflit.
Le corollaire de cet axiome est qu’en améliorant la capacité de chacun d’entre nous à communiquer efficacement avec autrui, l’ensemble de la société s’en portera mieux.
C’est une erreur, selon nous, d’étudier séparément, d’un côté les problèmes personnels et de l’autre les problèmes de société, car les seconds sont construits à partir des premiers.
Toutes les personnes dont la mission est de gouverner et de conduire leurs contemporains devraient appliquer ce genre de méthode.
Le deuxième axe est issu de la sémantique générale, laquelle a vu le jour en 1933, inventée par le comte polonais Alfred Korzybski. Pour faire simple, on peut résumer la sémantique générale, en quelques phrases telles que : le mot chien ne mord pas ou encore la Carte n’est pas le Territoire.
Ce qui signifie qu’il existe une différence de nature fondamentale entre la Carte que je consulte avant de partir en voyage et la route (le Territoire) sur laquelle je vais cheminer. La Carte est abstraite, alors que le Territoire est concret.
Transposé aux problèmes de tous les jours et aux problèmes de société, ce dualisme signifie que le racisme par exemple, est un mot de la Carte et qu’il n’est pas en rapport direct avec les actes concrets que l’on peut désigner sous ce terme. 
On peut dire que le mot racisme en soi ne signifie rien ; pour qu’il ait un sens, il faut « descendre » au niveau des exemples concrets. Car c’est à ce niveau que sont les problèmes relationnels. Les problèmes qu’une société doit affronter ne sont jamais au niveau des idées.
Le travail de l’analyste relationnel, quand il étudie un sujet de société, est de se positionner au niveau des exemples les plus concrets possibles, au niveau des interactions entre les individus et au niveau du cerveau de chacun d’entre nous, là où se fabriquent les opinions.
Certes il existe un racisme de la Carte. Si je dis, par exemple, qu’il existe des « races supérieures ». Il y a aussi un racisme concret quand je dis que je refuserai à ma fille le droit d’épouser un noir. Et c’est à ce niveau que je peux intervenir pour améliorer les relations entre les peuples.
Car il est plus facile de modifier des comportements que des croyances, de modifier des actes que des opinions.
Laissons aux intellectuels le soin d’expliquer, de ratiociner et de gloser sur les événements, nous préférons nous situer au niveau de l’action.
Le troisième grand axe de notre méthode nous a été donné par l’école de Palo Alto. Cette école de thérapie nous a montré qu’une très grande partie des conflits, ce qu’on nomme habituellement des problèmes, se décrit fort bien en termes de bugs relationnels. Les nœuds des problèmes à résoudre entre deux individus ne sont pas dans l’esprit de l’un ou de l’autre des protagonistes mais dans la relation elle-même. C’est donc elle qu’il faut soigner. Le nous de la relation est le troisième partenaire entre deux individus. Il y a moi, il y a toi et il y a nous, notre relation.
Et ce qui est valable pour deux est valable aussi pour les groupes. Évidemment nous avons du mal à comprendre cela spontanément car, dans tout conflit, dans toute divergence de vue, nous cherchons presque toujours à savoir qui a raison et qui a tort. Se placer au niveau de la relation,
c’est faire un effort pour chercher à comprendre toutes les opinions, tous les points de vue des protagonistes.
On a alors une vue panoramique, plus exacte et plus descriptive de ce qui se passe réellement, et on est plus à même d’intervenir efficacement.
Palo Alto a mis au jour les règles de base de toute communication, considérée comme un ensemble d’interactions, et nous a donné les moyens et les outils pour améliorer celle-ci.
Ce n’est pas le lieu ici de décrire ces outils (1), nous n’en donnerons qu’un exemple : la ponctuation des événements. Dans une bagarre entre deux bandes rivales (nous en verrons un cas récent plus loin), on se demande souvent qui a commencé ? Les enfants y attachent déjà de l’importance : « c’est pas moi qui ai commencé », et apparemment les adultes aussi. Faux problème, car chaque adversaire considère que c’est l’autre qui a commencé et que sa violence n’est qu’une réponse légitime à la violence de l’autre. Le conflit israélo-palestinien est un bel exemple de cette ponctuation qui rend le conflit interminable ; les frappes de l’une des parties se font toujours en représailles des frappes antérieures de l’autre. Ce type de conflits est généralement sans fin.
Le quatrième et dernier axe de notre méthode porte sur l’analyse de nos processus cognitifs. Certains problèmes qui nous apparaissent insolubles proviennent d’une façon erronée de penser, d’appréhender le réel. Les sciences cognitives nous ont apporté ici un certain nombre de solutions, malheureusement presque jamais exploitées dans le règlement des conflits par les responsables politiques.
Nous possédons tous des tunnels mentaux qui sont des biais de raisonnement ; au sens strict, nous pouvons dire que, la plupart du temps nous raisonnons faux.
Un de ces biais, qui jouera un rôle important dans la genèse des sentiments de racisme est appelé l’exemple qui prouve. J’assiste à un événement, je classe cet événement avec les outils de classement que je possède déjà : mes opinions acquises, puis, je généralise ; ensuite je pourrai affirmer mon opinion en disant : « Ce que je dis est vrai, la preuve est que l’autre jour… ». Je cite un exemple comme une preuve, alors qu’un exemple, - un millier d’exemples même -, ne constituera jamais une preuve formelle.
Pour prendre un exemple qui fâchera moins, si j’ai tendance à penser que les Bretons sont têtus, et que je vois mon ami Favennec insister pour dire qu’il a raison, cela va conforter mon opinion préalable et je dirai : « Il est têtu ». Et comme il est breton, je grimpe d’un cran vers la Carte (généralisation) en disant : « Les Bretons sont têtus ». Ensuite, dans les conversations entre amis, je pourrai affirmer avec le plus grand aplomb : « Les Bretons sont têtus, la preuve est que l’autre jour mon ami… »
Ce petit livre n’a qu’une prétention : dévoiler quelques mécanismes qui mènent les hommes vers le racisme. Ce qui suppose, au préalable, avoir défini précisément les contours sémantiques du mot : racisme.

1 Voir en annexe : pour en savoir plus.

Le racisme est un mot de l’antidictionnaire 
(ou Dictionnaire des mots qui ne veulent rien dire)
« Alors, nous serions tous, et toujours, racistes ? Non, pas exactement. Nous sommes presque tous tentés par le racisme, oui. Il y a en nous un terrain préparé pour recevoir et faire germer les semences du racisme, pour peu que nous n’y prenions garde. »
Albert Memmi, Le racisme (1)

Le racisme est un des sujets politiques les plus chauds depuis déjà longtemps : il occupe une grande place dans les pages de nos journaux, dans les conversations, et dans les propos officiels de nos gouvernants.
Nous trouvons souvent ce mot accompagné de sa nombreuse famille : négrophobie, antisémitisme, islamophobie, xénophobie…
C’est pourquoi j’ai pensé que ce sujet pouvait être le sujet initial de notre nouvelle collection (2). Mais, avant de me lancer sur ce sujet sensible, j’ai parcouru quelques livres déjà écrits sur le sujet. Et, comme précédemment quand j’ai étudié la manipulation (3), j’ai trouvé une majorité de livres dont la visée, sur la foi de documents historiques, était de nous dire à quel point ce n’est pas bien… d’être raciste.
Un grand nombre de ces livres étaient de simples récits historiques de faits du passé, de crimes et de guerres à caractère raciste, de l’esclavage à la persécution séculaires des juifs… Il est bon que ces livres existent, mais à mon sens ils ne résolvent rien.
Ces livres, je ne les citerai pas ici, car ils ne nous disent rien de ce qui est pour moi le plus important que je résumerai en deux points : 
1. Comment le racisme vient-il aux hommes ? Par quels processus devient-on raciste ?
2. Peut-on en guérir ?
Je ne citerai donc dans ce livre que deux ou trois ouvrages, qui, à mon sens, ont bien décrit ces processus et m’ont fait découvrir des voies de recherche insoupçonnées, en même temps qu’ils m’ont montré que je n’étais pas solitaire dans la démarche que j’ai choisie.
On l’a compris : le pratiquant de la méthode Relatio®, se refuse à traiter de sujets abstraits et devant une interrogation du type : « Êtes-vous raciste ? » répondra toujours : « Pouvez-vous préciser ce que vous entendez par là ? ». Où le questionné n’est pas toujours celui que l’on croit.
En tant que créateur de cette méthode, mon analyse est claire : tous ces problèmes ne sont pas comme on le croit des problèmes de société, du moins ils ne sont pas que cela, ils sont aussi des problèmes sémantiques et relationnels et leur approche dépend du sens qu’on donne aux mots.
Ce sont aussi des problèmes cognitifs, ils dépendent du fonctionnement de notre cerveau.
Si mes propos ici peuvent paraître provocateurs, ils ne le sont qu’en rapport à nos habitudes de paresse intellectuelle. Tous les spécialistes des études qualitatives le savent : nous avons tous à peu près les mêmes opinions sur tous les sujets. En fait, pour chaque opinion, il y a ceux qui sont pour et ceux qui sont contre. Nous sortons rarement de ces dualismes qui constituent le fond de nos pensées. Nous savons bien qu’au-delà de cette dichotomie issue du principe du moindre effort, la réalité est toujours plus complexe, plus variée que cela. Nous savons que c’est dans les nuances de nos opinions, de nos processus de pensée, et de nos comportements que se situent les différences entre les individus.
Mais nous descendons rarement à ce niveau de détails, car il est plus facile d’affirmer une opinion tranchée et rigide que de ponctuer ses phrases de modulateurs tels que : quoique, pour autant que je sache, selon moi, parfois…
Pourtant, les problèmes de notre vie quotidienne ont besoin de ces nuances pour être définis correctement et donc pour espérer leur trouver des solutions.
C’est ce que nous allons essayer de démontrer avec ce premier thème : le racisme.
Sommes-nous tous racistes ? Et si oui, que peut-on y faire ?
Ce livre, comme ceux qui le suivront, n’est donc pas un livre d’opinion. Dans ce livre, et contrairement à beaucoup d’auteurs, je ne prendrai pas position par rapport au racisme.
Je n’étalerai pas mon opinion. Tout simplement parce que je ne suis pas sûr d’en avoir une, en dehors de l’éclairage que m’apporte l’analyse concrète de ce sujet.
Pour notre école de pensée, le mot « racisme » et ses petits frères, ne sont que des abstractions, ils appartiennent aux milliers de mots constituant ce que nous avons appelé l’antidictionnaire.
En tant que tel, il n’a aucun rapport avec une quelconque réalité.
Ce n’est pas le mot qui ne nous intéresse pas, mais les faits qu’il prétend représenter.
Aussi, avant de se positionner et de prendre parti pour ou contre certaines notions, il faut les définir avec soin, à l’aide de propositions concrètes. Pour nous, il faudrait toujours refuser de prendre parti par rapport au racisme en général car cela n’a aucun sens ; il faut seulement réagir pour ou contre certains actes concrets que l’on voit perpétrer autour de nous. C’est au niveau de ces manifestations concrètes, au niveau de ce que disent et font les gens, tous les jours dans la rue, au bureau, en famille, que nous nous placerons tout au long de ce livre pour démonter les mécanismes du racisme.
Ce qui nous intéresse pourrait se définir ainsi : que se passe-t-il dans l’esprit de telle ou telle personne pour qu’elle en arrive à émettre telle opinion, ou à se comporter de telle façon ?
Les trois questions qui nous intéressent sont simples : 
1. De quelle nature est le racisme ?
2. Comment devient-on raciste ?
3. Peut-on arrêter ces processus et combattre efficacement le racisme sous toutes ses formes ?
Voici notre interrogation. Notre intérêt se porte sur les processus, pas sur des états, sur des actes, pas sur des opinions.
Mais avant de définir les règles de notre recherche, et avant tout développement, nous devons faire part d’un grand étonnement.
Comme nous pensons le montrer dans ce livre et comme le dit Albert Memmi lui-même (4), nous sommes tous enclins à devenir plus ou moins racistes ; le racisme vient aux hommes très facilement mais il en repart très difficilement. Même ceux qui se disent non racistes, voir antiracistes, (est-ce la même chose ?) le sont sur certains points, ne serait-ce qu’en développant un racisme contre les racistes !
Nous montrerons ici que le racisme n’est pas seulement un ensemble d’idées et d’opinions, ni même un ensemble de comportements, mais qu’il est aussi un sentiment généralement répandu, et qu’il prend sa source souvent dans l’expérience, voire même dans une seule expérience négative. Notre thèse est que ces processus de pensée sont largement partagés entre tous les peuples, car très dépendants de la façon dont fonctionne le cerveau humain.
Alors, si nous sommes racistes, il est évident que les autres peuples, les autres civilisations, les autres races, le sont aussi.
Comme le dit Albert Memmi :
« Tous les groupes, toutes les classes, toutes les ethnies fournissent leur contingent de racistes. »
Alors, j’ai cherché dans les librairies en ligne, sur les sites Internet, mais je n’ai pas trouvé à ce jour un seul ouvrage écrit par des Maghrébins, des juifs, ou des noirs, qu’ils soient d’origine africaine ou antillaise… traitant de leur racisme envers… nous.
Une exception toutefois : les excellents livres de Gaston Kelman, bourguignon originaire du Cameroun, que nous évoquerons ici à plusieurs reprises. Cela me choque profondément, mais ce qui me choque encore plus c’est que personne ne semble choqué par cet état de fait. Certes, notre civilisation a commis d’innombrables atrocités envers les populations colonisées, mais les autres aussi. Alors pourquoi sommes-nous à ce point friands de battre notre coulpe ? Serait-ce un relent de notre catholicisme que nous tendons la fesse gauche à qui nous a botté la droite ? Nous nous excusons auprès des peuples de les avoir colonisés, infantilisés, battus et brimés, et nous leur laissons prendre la main sur la relation en laissant croire au monde entier que les seuls racistes sont blancs et/ou chrétiens.
Bien sûr, je sais ce que vont me rétorquer les mouvements antiracistes : historiquement nous avons commencé. « C’est pas moi qui ai commencé » disent les enfants. Oui, mais l’Histoire, avec un grand H, montre bien que l’esclavage, et les atrocités de type racistes, ont été aussi perpétrés par des peuples divers, et bien avant le christianisme et l’avènement de l’Europe. Gaston Kelman nous parle de l’esclavage des noirs, pratiqué par les musulmans et par les noirs eux-mêmes. Alors ?
Pour l’ethnologue, certes, tous les peuples sont différents dans leur culture, leur façon de manger, de penser, de créer des objets, et c’est cette différence qui fait la richesse de nos échanges avec eux, mais il y a un certain nombre de domaines dans lesquels tous les peuples et tous les individus de ces peuples se ressemblent : c’est dans l’amour et la haine, dans l’acceptation ou le refus de l’étranger.
Ce que je n’ai pas aimé dans un certain nombre de ces livres, c’est le leitmotiv non justifié selon moi qui dit que nous sommes responsables, nous les Européens, des agissements de nos ancêtres.
L’optique de l’analyse relationnelle est claire : il nous est impossible de parler avec exactitude, de connaître et de comprendre les époques passées, dans la mesure même où nous avons changé, où notre cerveau ne fonctionne plus de la même façon, où nos critères de jugement sont différents, où nos sentiments ne sont plus les mêmes. Nous vibrons aujourd’hui à la moindre brise et nous ne supportons plus guère d’appeler un chat un chat.
Si la guillotine existait encore, nos ménagères iraient-elles voir les têtes tomber en amenant leur tricot ? Nos grands-mères iraient-elles encore à la messe avec leur pot de chambre… comme le faisait Madame de Sévigné à Paris ? Car nous avons décrété que la guillotine était inhumaine. C’est pourquoi, nous n’avons pas le droit de juger nos ancêtres en leur appliquant, comme un sparadrap sur des blessures, nos idées modernes. Et ceux qui disent le contraire, les antiracistes militants, n’ont pas compris grand-chose à l’évolution de notre culture.
Je ne peux résister au plaisir de citer Gaston Kelman (5) :
« Fidèle à la pensée de Frantz Fanon, je le dis, je le redirai, au risque de me répéter jusqu’au radotage, je ne juge pas l’homme blanc d’aujourd’hui responsable ou coupable des comportements de ses ancêtres. »
On peut étudier le racisme de deux façons : soit comme une idéologie prônant des hiérarchies entre les peuples, ou les ethnies, soit comme un ensemble de pensées, de comportements et de raisonnements quotidiens. Pour nous, adeptes du Territoire, le racisme n’apparaît qu’à partir du moment où nous l’exprimons, qu’à partir du moment où nous le montrons dans nos actes.
Le mot racisme est une abstraction, une étiquette commode pour manipuler et être manipulés.
Et toute personne pratiquant a minima l’autodéfense intellectuelle (6) devrait refuser de discourir, de dialoguer ou de répondre à des questions sur le racisme, sans automatiquement et immédiatement arrêter le partenaire par des : « Précisez, je vous prie, quels sont les comportements que vous appelez racistes ? ». C’est pourquoi, avant de disséquer cette notion, nous allons visiter quelques définitions habituelles du mot et des termes associés.
1 Folio Actuel Gallimard, 1994.
2 Voir en annexe quelques sujets qui seront traités dans cette nouvelle collection des éditions ULRICH.
3 Voir L’art de manipuler, éditions ULRICH, 1996.
4 Albert MEMMI, Le racisme, Folio 1994.
5 Gaston Kelman, Au-delà du noir et du blanc, Max Milo Éditions, 2005.
6 Normand Baillargeon, Petit cours d’autodéfense intellectuelle, Lux Éditeurs, 2007.


Les quatre piliers de la thèse centrale
La thèse générale qui est le fil conducteur de l’ensemble de la collection Nouvelles Visions est simple à énoncer : tous les sujets de réflexion définis par des mots abstraits doivent être revus à la lumière des faits et subir une double analyse : sémantique d’abord (les mots et le sens qu’on leur donne) et relationnelle ensuite (qui dit quoi et dans quelles circonstances ?)
L’application stricte des axiomes et principes de l’analyse relationnelle au problème du racisme nous donne les quatre portes d’entrée suivantes pour lui apporter une nouvelle vision.

Idée 1 : le racisme en soi n’existe pas. 
Attention, il n’est pas question pour nous de nier les propos et actes dits « racistes », souvent violents et presque toujours inacceptables, auxquels le monde a assisté, assiste encore et, probablement assistera toujours, mais seulement de mettre en avant la thèse centrale de la sémantique générale, selon laquelle le racisme n’est pas contenu dans les mots, mais dans des interactions concrètes entre des individus ou des groupes.
Le mot « chien » ne mord pas disait le créateur de cette thèse.
Et les mots ne sont pas racistes, ce sont les gens qui le sont. Le mot « racisme » n’a jamais nui à personne.
Une partie de notre travail dans ce livre sera de faire correspondre les mots abstraits du racisme : racisme, antisémitisme, x
énophobie… à des actes et des processus de pensée concrets, présents en chacun de nous.
En effet, on peut aborder le problème du racisme à deux niveaux différents : ou bien, au niveau de la Carte abstraite, le traiter comme une idéologie, une philosophie, un ensemble de croyances, ou bien, au niveau du Concret, comme un ensemble de comportements, verbaux ou non et comme un ensemble de raisonnements quotidiens.
Dans les deux cas, il sera important de définir la frontière de ce mot et des actes qui vont avec, en se posant la question : à partir de quand, ou plutôt de quoi (acte, opinion…), pouvons-nous parler de racisme ?

Idée 2 : il existe des degrés dans le racisme.
Il faudrait créer une échelle de Richter des actes et des pensées racistes, qui permettrait de situer chaque personne clairement sur cette échelle, allant du degré 0 du racisme (si cela existe) jusqu’à 100 % de racisme (si cela existe aussi).
Bien qu’une échelle de ce genre soit contestable, il semble qu’on pourrait la créer. Même si un trop grand nombre de personnes, pour des raisons idéologiques surtout, ne manquerait pas de s’opposer à une telle entreprise.
Cette échelle pourrait lister toutes les opinions et tous les comportements possibles et les classer du plus léger au plus sévère.

Idée 3 : le racisme est affaire de sémantique et de généralisation.
La généralisation est un processus constant, inévitable et permanent dans nos esprits, surtout en Occident. On se moque de ces personnes (pauvres belges !) qui arrivent en France et qui, voyant une fille rousse dans la rue, disent : les Françaises sont rousses. Mais, à des degrés moindres peut-être (quoique), nous faisons tous ainsi. Nous montrerons qu’il suffit d’un petit nombre d’observations, voire même d’une seule interprétation de ce que l’on a vu (donc de ce que l’on croit avoir vu) pour généraliser et accuser telle ou telle ethnie des pires défauts et des pires intentions.
Un de mes amis dit ne pas trop aimer les juifs. Il justifie cela par le fait qu’une fois, alors qu’il était convié à un mariage entre juifs, les mariés et les invités l’ont ignoré toute la soirée. Donc : les juifs sont… (Mettez ce que vous voulez derrière ces mots, ce sera toujours une ânerie !).

Idée 4 : le racisme est un trouble cognitif.
Dans ce livre, nous l’avons dit clairement, nous nous intéressons au racisme, du point de vue des individus et nous essayons de voir comment ce sentiment naît et meurt en chacun de nous.
Nous risquons de devenir racistes, simplement parce que notre cerveau est très attentif aux différences et que toute différence est facilement perçue comme une agression. L’autre n’est pas comme nous, donc avant d’être notre ami, nous le considérons souvent avec méfiance. Si en plus, il est noir !
La peur de l’autre existe et il faut déjà une assez grande culture pour éradiquer cette peur ancestrale. Nous voyons l’autre comme différent de nous avant de comprendre que, finalement, il est notre semblable.
Il faut une démarche volontariste pour passer de l’état primaire d’un racisme à fleur de peau à l’état réfléchi de celui qui ne ressent plus ce sentiment.
C’est peut-être pourquoi certaines études (que nous évoquerons plus loin) ont, semble-t-il, montré que le sentiment de racisme est moins aigu chez les personnes cultivées que chez les autres. Pour ne pas être raciste, il faut faire un effort intellectuel.
Il faut que le rationnel combatte l’instinctif, mais l’instinctif reste vivant, bien caché dans les recoins de notre esprit, même étouffé sous les couches culturelles de notre éducation hyperconceptuelle.
Si l’on combine ces phénomènes avec l’idée précédente, on comprend pourquoi on observe souvent que, dans un premier temps, on voit l’autre comme différent de nous (et différent est assez proche d’inférieur) et dans un deuxième temps nous voyons tous les autres comme semblables entre eux. Christian Godin énonce :
«… concernant les êtres humains, il n’y a pas de distinction sans classification, et pas de classification sans hiérarchisation. Lorsque les classes ou les classements sont relatifs à des groupes humains, nous avons affaire à un racisme. »
C’est pourquoi et ce sera notre thèse conclusive : on peut encore combattre le racisme en amenant les gens à vivre de nouvelles relations avec les
autres et ainsi en les amenant à adopter une nouvelle forme de raisonnement à l’aide une nouvelle expérience.
Ici, nous voyons que le racisme frappe toujours deux fois. La première fois en nous montrant en quoi l’autre est différent de nous, difficilement acceptable ; une deuxième fois en nous faisant croire que tous les autres sont semblables à celui que l’on vient d’observer.
Mais vouloir combattre le racisme en restant au niveau des idées, avec des propos du style : c’est pas bien d’être raciste, est une utopie dangereuse. Et le propre d’une utopie est de ne jamais se réaliser.
Poursuivre une utopie est un choix suicidaire qui ne peut qu’aggraver la situation.
ChapitreXI : Raciste, mais avec modération
Maintenant, abordons un autre point que je vois rarement évoqué dans les livres ou les articles parlant du racisme. On nous demande : êtes-vous raciste ou non ? Comme si cette question ne supportait pas de nuances. On nous demande de répondre à une généralisation. À cette question, toute personne quelque peu réfléchie, devrait répondre : ça dépend.
En effet, compte tenu que nous n’avons pas tous vécu la même expérience, que nous ne l’avons pas intégrée de la même façon, que nous généralisons plus ou moins, et que nous ressentons les sentiments de façon plus ou moins forte, on peut penser qu’il existe une multitude de racismes, des formes individuelles de racisme, et qui plus est des formes changeantes dans le temps.
Et c’est cela qu’il faut étudier, ce qu’aucun sondage ne peut faire apparaître comme information, car la matière est ici difficilement pêchable à l’aide de questions fermées.
D’abord, l’objet de notre ressentiment peut être varié : les plus fréquemment cités par nos contemporains sont les arabes (souvent confondus à tort avec les musulmans), les juifs et les noirs. On nage déjà en pleine bêtise, car tous les musulmans, tous les arabes, tous les noirs, tous les juifs, ne se ressemblent pas et nous sommes encore dans des propos trop généraux.
Si nous redescendons au niveau du concret, en engageant par exemple des discussions avec des amis, on s’aperçoit vite que nous sommes presque tous plus ou moins racistes. Mais différemment.
Malgré mon aversion pour toute classification, je vais en tenter une.
Il y a tout d’abord le raciste intégral, le raciste 100 % pur jus. Celui-ci se caractérise par le fait qu’il répond aux sondages qu’il est raciste ; non seulement il ne s’en cache pas, mais il en est fier. Il est raciste envers tous les peuples, qu’il rejette en bloc. Il l’est à la fois dans les idées, les opinions tranchées et aussi au niveau plus concret de ses comportements envers les autres peuples qu’il côtoie. Sur le plan des concepts, il dit défendre les valeurs occidentales et refuser que d’autres valeurs prennent de l’importance dans notre beau pays. Il est évident pour lui que certains peuples sont moins intelligents, moins évolués que nous, et qu’il existe des races supérieures. Dans sa vie quotidienne, il évite
soigneusement de fréquenter toute personne qui ne soit pas de son milieu, de sa race comme il dit, car pour lui ce terme ne pose aucun problème. Il n’aime pas aller dans les lieux, dans les quartiers, les restaurants… fréquentés par les étrangers, les immigrés dit-il, même quand il s’agit de Français de troisième génération. Pour lui, le faciès est déterminant, c’est pourquoi parfois il se laisse avoir quand les étrangers en question ont la même tête que lui, certains juifs par exemple qu’il ne reconnaît pas. Et, bien sûr, encore moins que tout, il n’est pas question que sa fille ou son fils se marie avec un de ces étrangers et ne lui ramène son mari à la maison dit-il, comme on dit d’un chien galeux.
Heureusement ce genre de racistes est extrêmement rare, car les plus racistes d’entre nous ont le plus souvent leurs limites : ou bien ils se limitent à ne pas aimer un certain peuple, ou bien ils acceptent certains rapports avec les étrangers, tant qu’ils ne sont pas trop intimes…
Ensuite, il y le raciste en parole, le raciste de la Carte. Celui qui dit l’être et qui ne l’est pas tant que ça. Il y a longtemps, un sondage a été réalisé aux États-Unis demandant aux hôteliers s’ils accepteraient de recevoir un couple mixte américain et chinois ; 80 % ont répondu :
« Surtout pas ». Puis, le même chercheur a réellement envoyé des couples mixtes prendre des chambres chez les mêmes hôteliers et 80 % d’entre eux les ont reçus sans difficulté. À l’époque le racisme était plutôt la norme. Bien que le racisme de nos jours soit un costume qui se porte assez mal, ces gens-là existent. Ils prônent un racisme intellectuel, assez théorique, et par faiblesse, ou simplement par manque d’occasion, ne mettent pas leurs idées en application. Or, pour l’analyste relationnel, il est évident que ce qu’on fait doit toujours dominer ce que l’on dit.
Mais le plus grand nombre de nos contemporains se situe ailleurs entre les deux extrêmes : ce sont les non racistes en parole mais racistes en actes. Ceux qui disent ne pas faire de différence entre les cultures et les peuples, et qui, bien qu’ils en aient l’occasion, ne sortent jamais, ne s’associent jamais, ne s’approchent jamais, de ces mêmes personnes qu’ils disent apprécier.

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